"Une gravité exceptionnelle" : Macron critiqué par l'opposition après ses propos sur la dissuasion nucléaire

Emmanuel Macron s'est dit prêt à ouvrir un débat sur une défense européenne qui pourrait comprendre les armes nucléaires. Pour François-Xavier Bellamy, "un chef de l'État français ne devrait pas dire ça".

À droite comme du côté de La France insoumise, les oppositions ont vivement dénoncé ce dimanche 28 avril les propos du président Emmanuel Macron, prêt à ouvrir un débat sur une défense européenne qui, outre les armes de longue portée et antimissiles, pourrait comprendre les armes nucléaires.

"Un chef de l'Etat français ne devrait pas dire ça", s'est emporté François-Xavier Bellamy, tête de liste Les Républicains (LR) aux élections européennes du 9 juin.

"Cette expression est d'une gravité exceptionnelle, parce que là nous touchons au nerf même de la souveraineté française", a-t-il dit au "Grand Rendez-Vous Europe1/CNews/Les Echos", tandis que le Rassemblement national (RN) et, à gauche, la France insoumise (LFI) ont multiplié également les critiques.

Dans un entretien accordé vendredi à de jeunes Européens et publié samedi par les journaux régionaux du groupe Ebra (Est-Bourgogne-Rhône-Alpes), Emmanuel Macron est revenu sur ce thème récurrent et extrêmement sensible de la sécurité européenne.

"Je suis pour ouvrir ce débat qui doit donc inclure la défense antimissile, les tirs d'armes de longue portée, l'arme nucléaire pour ceux qui l'ont ou qui disposent sur leur sol de l'arme nucléaire américaine. Mettons tout sur la table et regardons ce qui nous protège véritablement de manière crédible", a-t-il déclaré, ajoutant que la France garderait "sa spécificité mais est prête à contribuer davantage à la défense du sol européen".

Depuis le Brexit et la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, la France est le seul de ses Etats membres à disposer de la dissuasion nucléaire. Le dialogue sur les questions de sécurité se poursuit cependant avec Londres, notamment au sein de la Communauté politique européenne (CPE), un forum nouvellement créé à l'initiative du président français.

Lors d'un discours sur l'Europe, jeudi, à la Sorbonne, Emmanuel Macron avait plaidé pour une "Europe puissance" et la constitution d'une Europe de la défense "crédible" au côté de l'Otan et face à la Russie, devenue beaucoup plus menaçante depuis son invasion de l'Ukraine en février 2022.

"Ça peut signifier déployer des boucliers antimissiles, mais il faut être sûr qu'ils bloquent tous les missiles et dissuadent de l'utilisation du nucléaire", a expliqué Emmanuel Macron dans son entretien aux journaux du groupe Ebra.

"Être crédible, c'est avoir aussi des missiles de longue portée qui dissuaderaient les Russes. Et il y a l'arme nucléaire: la doctrine française est qu'on peut l'utiliser quand nos intérêts vitaux sont menacés. J'ai déjà dit qu'il y a une dimension européenne dans ces intérêts vitaux", a-t-il souligné.

Comme la droite, LFI a estimé dimanche, dans un communiqué de son groupe parlementaire, que le chef de l'État "vient de porter un nouveau coup à la crédibilité de la dissuasion nucléaire française".

Celle-ci "ne se partage pas" et "sous couvert de défense du sol européen, Macron veut liquider l'autonomie stratégique française", a critiqué sur X le député LFI Bastien Lachaud, spécialiste des questions de défense.

A l'extrême droite, l'eurodéputé RN Thierry Mariani a affirmé, également sur X, que "Macron est en train de devenir un danger national". "Après l'arme nucléaire, suivra le siège permanent de la France au conseil de sécurité de l'ONU qui sera lui aussi bradé à l'Union Européenne", s'est-il insurgé.

Aux antipodes, la tête de liste des Ecologistes aux européennes Marie Toussaint, favorable à un "saut fédéral européen", a considéré que cela signifiait le "partage de cette force qu'est l'arme française, donc le nucléaire aussi".

Sur LCI, François Bayrou a également soutenu la position du président de la République. "Il peut se passer, il peut y avoir des circonstances dans lesquelles un gouvernement français, des dirigeants français, décident qu'une menace sur l'Europe est une menace contre la France. Et c'est ce que le président de la République dit en disant: mettons tout sur la table", a justifié le président du MoDem, membre de la majorité.

Article original publié sur BFMTV.com