TOUT COMPRENDRE. Gaza: pourquoi Israël lance son offensive sur Rafah malgré l'accord de trêve signé par le Hamas

Le Hamas a accepté ce lundi 6 mai une proposition de trêve des médiateurs égyptiens et qataris. Un texte qui est "loin des exigences israéliennes" pour Benjamin Netanyahu, qui a lancé une offensive terrestre et aérienne sur Rafah et a pris le contrôle de la partie palestinienne du point de passage entre la bande de Gaza et l'Égypte.

L'armée israélienne mène d'intenses bombardements ce mardi 7 mai à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, afin d'accentuer la "pression" sur le Hamas quelques heures avant de nouveaux pourparlers au Caire pour tenter d'infléchir un accord de trêve auquel le mouvement islamiste a donné son feu vert.

Après ses opérations à Gaza-ville, puis Khan Younès, Israël menace depuis des semaines de pousser son offensive terrestre jusqu'à Rafah, considéré par l'État hébreu comme le dernier bastion du Hamas. Cette zone de l'enclave palestinienne est désormais un gigantesque camp de réfugiés abritant, selon l'ONU, 1,2 million de Palestiniens, soit la moitié de la population du territoire, pour la plupart des déplacés.

Ce lundi, l'armée israélienne a commencé une opération d'évacuation de dizaines de milliers de personnes de Rafah. Puis, en soirée, le Hamas a dit avoir informé l'Égypte et le Qatar, qu'il avait "approuvé leur proposition pour un accord de cessez-le-feu" avec Israël.

Le Hamas a en effet annoncé ce lundi avoir accepté une proposition de trêve émanant du Qatar et de l'Égypte, pays médiateurs avec les États-Unis. Selon le mouvement palestinien, cet accord comprendrait trois phases devant mener à un cessez-le-feu dans la bande de Gaza, pilonnée depuis le 7 octobre dernier.

Il s'agirait de déterminer trois périodes de 42 jours de trêve. Durant la première, le Hamas s'engage à libérer des otages, femmes et enfants d'abord, en échange de prisonniers palestiniens détenus en Israël. Au bout de sept jours de cessez-le-feu, il libérerait trois otages par jour, contre 30 détenus par otage rendu.

Lors de la deuxième phase de trêve, le Hamas libérerait des soldats israéliens, capturés avant ou après le 7 octobre. Ici, l'échange serait d'un soldat contre 50 prisonniers palestiniens. Ensuite, ce sont les corps et les restes des Israéliens tués qui seraient rendus. Pendant tout ce temps-là, Israël devra totalement libérer les zones de la bande de Gaza contrôlées, les unes après les autres, et démonter les installations militaires.

Mais cette proposition acceptée par le Hamas est "loin des exigences israéliennes", a rétorqué le bureau du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Malgré les objections internationales, "le cabinet de guerre a décidé la poursuite de l'opération à Rafah pour exercer une pression militaire sur le Hamas".

Benjamin Netanyahu a promis de lancer l'offensive sur Rafah, quelle que soit l'issue des négociations, l'armée israélienne affirmant ce lundi qu'elle était indispensable pour "détruire les quatre derniers bataillons" du Hamas. En effet, Tsahal estime qu'il s'agit du dernier endroit à Gaza où se terrerait des combattants du mouvement palestiniens.

Ainsi, ce lundi, l'armée israélienne a demandé aux populations de l'est de Rafah d'évacuer la zone. Le sud de la bande de Gaza est pourtant devenu un vaste camp de déplacés puisque dès le début de l'offensive israélienne au lendemain des attaques du Hamas du 7 otcobre, Israël demandait aux Gazaouis de fuir le nord de l'enclave.

Dans la soirée, elle a mené d'intenses bombardements, mentionnant des "frappes ciblées" à l'encontre de 50 cibles du Hamas. Israël a toutefois annoncé l'envoi prochain d'une délégation auprès des médiateurs en Égypte.

Ce mardi, les bombardements aériens et les tirs d'artillerie se poursuivent à Rafah. Des troupes au sol et des chars ont également été aperçus dans les rues, au niveau du poste-frontière. Dans la matinée, l'armée israélienne a annoncé avoir pris le contrôle de la partie palestinienne du point de passage entre la bande de Gaza et l'Égypte.

"Environ 20 terroristes ont été éliminés et trois puits de tunnels opérationnels ont été localisés" au cours d'une opération qui mobilise aussi l'armée de l'air, a indiqué Tsahal ce mardi.

De son côté, la Défense civile dans la bande de Gaza a fait état de "nombreux morts" dans la nuit à Rafah. Et l'hôpital koweïtien, situé dans cette ville, a expliqué avoir reçu "11 morts" et des "dizaines de blessés" dans ces frappes, relevant ainsi un premier bilan de cinq morts.

Le ministère de la Santé du Hamas a annoncé ce mardi un nouveau bilan de 34.789 morts dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre le 7 octobre. En 24 heures, au moins 54 morts supplémentaires ont été recensés, selon un communiqué du ministère qui fait état de 78.204 blessés en sept mois de guerre.

Les organisations internationales s'inquiètent notamment d'une fermeture du point de passage, indispensable pour l'acheminement de l'aide humanitaire dans l'enclave palestinienne. La "faim catastrophique à laquelle est confrontée la population, en particulier dans le nord de la bande de Gaza, s'aggravera considérablement si ces voies d'approvisionnement sont interrompues", a mis en garde l'UNRWA, l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens.

États-Unis, Chine, Union européenne... De nombreux pays, dont des alliés historiques d'Israël, s'opposent à l'offensive sur Rafah. Le Haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'homme a jugé "inhumain" et "contraire aux principes fondamentaux du droit international humanitaire et du droit international des droits de l'homme" l'ordre d'évacuation donné par Israël aux habitants de l'est de la ville.

"Le non-respect de ces obligations peut constituer un déplacement forcé, ce qui est un crime de guerre", a fait valoir Volker Türk.

Il juge "inconcevable de déplacer de force des centaines de milliers de personnes de Rafah vers des zones qui ont déjà été rasées et où il n'y a que peu d'abris et pratiquement aucun accès à l'aide humanitaire nécessaire à leur survie".

"On promis (aux Gazaouis) d'être à l'abri au sud, à Rafah. Sur la route même ils ont été bombardés lors de leur déplacement, puis à Rafah il y avait des bombardements sur cette zone soit disant sécurisée", explique sur BFMTV le Dr Khlad Benboutrif, médecin humanitaire.

Au-delà des critiques internationales, la colère continue également de monter au sein de la population israélienne. Des familles d'otages retenus dans la bande de Gaza réclament qu'un accord soit trouvé après l'annonce par le Hamas qu'il avait accepté une proposition pour un cessez-le-feu.

"L'annonce du Hamas doit ouvrir la voie au retour des 132 otages retenus en captivité par le Hamas depuis plus de sept mois", a déclaré dans un communiqué le Forum des familles, une association israélienne de proches d'otages fondée au lendemain du 7 octobre.

"Le moment est venu pour toutes les parties concernées de tenir leur engagement et de transformer cette opportunité en un accord pour le retour de tous les otages", ajoute-t-il.

Article original publié sur BFMTV.com