José Bové : « Dire que l’Europe peut mourir, c’est une formule apocalyptique qui dessert le débat européen »

Avant la sortie de « Une affaire de principe », film tiré de son expérience d’eurodéputé où il est joué par Bouli Lanners, l’écologiste répond aux questions du « HuffPost ».

CINEMA - On pourrait presque le prendre comme un clip de campagne pour les élections européennes. À un mois et demi du scrutin, le réalisateur Antoine Raimbault (Une intime conviction) dévoile Une affaire de principe, adaptation d’un livre publié en 2015 par José Bové dans lequel celui qui était alors eurodéputé évoquait son combat contre les lobbies, notamment celui du tabac, présents à Bruxelles.

« En 2009, j’arrivais au Parlement européen, sans savoir que j’y consacrerais 15 ans de ma vie » - TRIBUNE

C’est le Belge Bouli Lanners (Hippocrate, La Nuit du 12) qui s’est laissé pousser la moustache pour incarner l’écologiste épaulé par son assistant parlementaire Thomas VDB et une jeune stagiaire Céleste Brunnquell. Tous les trois veulent faire tomber le président de la Commission européenne et blanchir un commissaire accusé de corruption.

Cette plongée inspirée de faits réels dans les coulisses du Parlement européen rappelle le rôle majeur joué par les eurodéputés que les Français éliront le 9 juin prochain. L’occasion aussi pour Le HuffPost de demander à José Bové comment l’Europe a évolué depuis qu’il a quitté son poste en 2019.

Le HuffPost. Dans le film, Thomas VDB dit à la jeune Clémence : « José Bové, c’est Don Quichotte ». Que pensez-vous de la comparaison ?

José Bové : J’ai horreur de perdre, ça s’est sûr et c’est pour ça que j’ai toujours su qu’il fallait choisir ses combats. Don Quichotte, c’est le panache mais ce n’est pas l’efficacité.

Qu’est-ce qui est le plus efficace : l’action au Parlement européen qu’on voit dans le film où les actions que vous aviez menées avant comme syndicaliste agricole ?

Je vis ces deux formes d’actions comme une complémentarité. L’engagement au Parlement européen m’a permis de continuer mes combats. En 2008, c’est grâce aux combats de la société civile avec les ONG et les faucheurs que nous avons fait interdire par Nicolas Sarkozy les OGM en plein champ. C’est parti d’une action de terrain, comme le Larzac bien avant.

Pendant mon mandat, on a gagné sur l’interdiction du gaz de schiste. Comme eurodéputé, j’ai campé avec des paysans polonais à la frontière ukrainienne. L’élection donne une légitimité démocratique, c’est fondamental mais la légitimité du terrain l’est autant. Mais ce que j’ai vu, c’est qu’à partir du moment où vous êtes élus, ce que vous dites est reçu avec moins de doutes que lorsque vous êtes syndicaliste. C’est très français, ça.

Bouli Lanners, au centre, incarne José Bové dans le film « Une affaire de principe » du réalisateur Antoine Raimbault. Thomas VDB joue son assistant parlementaire et Céleste Brunnquell est leur stagiaire.
Pascal Chantier - Memento Bouli Lanners, au centre, incarne José Bové dans le film « Une affaire de principe » du réalisateur Antoine Raimbault. Thomas VDB joue son assistant parlementaire et Céleste Brunnquell est leur stagiaire.

Dans le film, c’est la jeune stagiaire qui semble la plus déterminée à faire aboutir votre enquête. Quel message faites-vous passer avec cette image ?

Elle est à la fois les yeux du spectateur à travers qui on découvre toute la complexité des rouages du Parlement européen, mais elle incarne aussi la troisième génération. Clémence, c’est la relève et à travers elle, on incarne la transmission. C’est essentiel pour montrer que l’espoir d’un combat ne peut pas être lié à une seule personne.

Faites-vous confiance aux écologistes pour mener ce combat aux européennes ?

J’aurais voulu qu’il n’y ait qu’une seule liste emmenée par Raphaël Glucksmann avec Marie Toussaint en deuxième position. Pour des questions d’appareil, ça n’a pas été possible. Ces personnalités sont honorables. Je me prononcerai en temps voulu, mais il est clair que les combats pour le climat indiquent une orientation car c’est central. En même temps, les combats que mène Raphaël pour les droits fondamentaux, notamment contre les dictateurs, c’est fondamental. Il faut se battre sur ces deux jambes.

L’Europe peut-elle mourir comme l’a dit Emmanuel Macron à la Sorbonne ?

C’est une expression pour galvaniser ses troupes et une forme de dramatisation qui dessert le débat européen. Ce genre de formule apocalyptique révèle une stratégie pour faire croire que c’est le vote Renaissance ou le chaos définitif. Je trouve que ce n’est pas la preuve de quelqu’un qui va vers l’avant.

Je note aussi que la volonté d’intégrer l’Europe est bien présente de l’Adriatique à l’Ukraine en passant par la Géorgie. Donc la dynamique est là. La question c’est quelle Europe on veut.

Et vous, quelle Europe voulez-vous ? Diriez-vous comme le personnage qui vous incarne que « le problème, ce ne sont pas les institutions mais ceux qui les font » ?

Oui, je la reprends car on voit bien qu’il y a des comportements – y compris l’affaire des SMS de von der Leyen – qui ne vont toujours pas. Je ne veux pas d’une Europe où l’égoïsme des États l’emporte. Si la réponse sanitaire au Covid ou la relance après la pandémie a pu se faire de manière intégrée, on se retrouve trop souvent face à la frilosité des dirigeants qui veulent gagner plus que ce qu’ils mettent dans le pot commun.

Et je ne veux pas non plus d’Europe où l’on s’affranchit des règles pour faire plaisir à quelques-uns. Comment croire à un projet de lutte contre le dérèglement climatique quand on démantèle une avancée sous la pression des lobbies ? Pour répondre aux manifestations agricoles, on est revenu sur le verdissement de la PAC en dépit des règles de bon sens agronomique et en ne respectant même pas les règlements de l’Union. J’ai bon espoir que la justice reconnaisse que ce n’était pas la bonne manière de faire.

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