Secrets de famille - Sylvie : "On m'a caché le suicide de ma tante"

Au hasard d'une conversation avec sa cousine, Sylvie découvre un des secrets les mieux gardés de sa famille. Elle tente de mieux comprendre les circonstances dans lesquelles sa tante, soi-disant "malade", est décédée.

Secrets de famille - Sylvie : "On m'a caché le suicide de ma tante". Photo : Getty Creative
Secrets de famille - Sylvie : "On m'a caché le suicide de ma tante". Photo : Getty Creative

C’est au hasard d’une discussion avec une cousine que Sylvie a découvert ce qui était un vrai secret de famille : "Je parlais avec ma cousine de l’histoire de notre famille, de ce que les femmes avaient reproduit, en particulier celles qui avaient été mères. C’était un moment un peu profond pour comprendre aussi d’où l'on venait. Et puis ça avait aussi pour but de nous rapprocher, nos mères ayant beaucoup de traits de caractère en commun. J’ai toujours aimé ma cousine mais on n'avait jamais pris le temps de se parler comme ça. C’est au détour d’une phrase qu’elle a lâché la bombe 'Oui et puis ça a changé quand leur soeur s’est suicidée.' Je ne savais pas que cette tante avait fait ça. Ma mère avait toujours sous-entendu qu’elle était malade et je pensais qu’elle avait eu un cancer un peu jeune. Je n’en parlais pas pour ne pas remuer le couteau dans la plaie. De toute manière ma mère a toujours été claire sur le fait qu’elle n’avait pas très envie qu’on en parle."

La cousine de Sylvie a appris ce secret de sa mère : "Elle m’a raconté comment elle l’avait appris. Sa mère était tombée malade et elle s’était mise à parler de tout ce qui avait été un peu caché dans la famille. De la grand-mère qui avait avorté pendant la guerre, des rumeurs sur le fait que des cousins étaient en fait les fils du voisin. Des trucs vrais et des trucs pas vrais, tout ce qu’on entend dans les familles et dont on ne parle pas parce qu’on n'a pas l’occasion ou parce qu’on ne veut pas découvrir que c’est en fait vrai. Le suicide de la tante c’était le regret de la mère de ma cousine. Elle s’en voulait de ne pas avoir été assez là pour elle et c’est pour ça qu’elle en a parlé à sa fille. Elle lui disait en gros que ça pesait sur sa conscience et qu’elle ne voulait pas mourir sans avoir parlé d’elle. Ma cousine savait que c’était une femme qui avait toujours été triste, même quand elle s’était mariée, même quand elle avait eu des enfants. Elle était "mélancolique" comme on disait. On a tout de suite pensé, avec ma cousine, qu’elle était dépressive. Mais ce n’était pas des choses qui se disaient à l’époque ni qui se soignaient comme maintenant. Personne n’a pensé à lui faire voir un médecin. Même quand elle était jeune. Elle a dû beaucoup souffrir. Elle a décidé d’en finir à 31 ans. Elle avait deux enfants qui n’avaient pas 10 ans. C’est ma grand-mère qui les a élevés. On n’est même pas sûres maintenant qu’on leur a dit la vérité. Ce que les anciens ont décidé de faire à l’époque, c’est de dire qu’elle était "malade" ni plus ni moins."

Quand elle confronte sa mère, Sylvie se heurte d’abord à un mur : "Ma mère n’a pas voulu avouer au début. Elle est resté sur sa version de la maladie, ce qui n’est même pas faux en soi. Mais il faut savoir que c’est une vieille dame. Pour elle, malade ça veut dire tout et n’importe quoi. C’est tout ce qui n’est pas "normal". Et pour elle, sa soeur n’était pas "normale". Moi je voulais juste qu’elle me dise quel genre de personne elle était, si elles s’aimaient, si elles avaient partagé des choses. J’avais besoin de savoir que cette femme n’avait pas été totalement toute seule. Ma mère est encore la seule personne qui peut parler d’elle. Qui a de vrais souvenirs d’elle. Quand j’ai réalisé qu’elle ne voulait vraiment pas en parler, je me suis mise à lui faire la gueule. Je voulais qu’elle comprenne que c’était important pour moi. Je ne lui ai pas donné de nouvelles pendant deux mois alors qu’avant on se parlait plusieurs fois par semaine. J’ai attendu qu’elle revienne vers moi avec l’envie de parler. Elle a fini par le faire. Elle a proposé que je vienne la voir et de me raconter toute l’histoire."

Sylvie apprend enfin à connaître sa tante : "Elle m’a montré des photos et on ne la voit effectivement jamais sourire. Après les gens ne souriaient pas beaucoup sur les photos à l’époque. Mais elle a un air fantomatique. Comme si elle n’était déjà plus là. Ma mère a insisté sur le fait que c’était une bonne mère et que si elle avait fait le choix de partir c’est aussi parce qu’elle savait que sa mère, leur mère, allait bien s’occuper des enfants. Elle n’avait pas peur de mourir et elle n’en pouvait vraiment plus. La famille n’a pas gardé vraiment le contact avec son mari, qui a refait sa vie. Il est venu voir les enfants et puis de moins en moins. Il était déjà mort, lui aussi. Je crois que s'il avait été vivant, j’aurais essayé de le voir lui aussi. J’aurais aimé vraiment connaître cette tante. Je ne dis pas que j’aurais aimé la sauver, mais au moins lui dire qu’elle était aimée. J’ai réalisé depuis que ça avait été le cas. Ses deux soeurs l’aimaient."

Certaines familles cachent des secrets qui peuvent avoir des conséquences sur plusieurs générations. Quels sont ces secrets ? Comment refont-ils surface ? Et enfin, quelles sont les conséquences que cela peut avoir sur les personnes qui les découvrent ? La série "Secrets de famille" revient sur cet épineux sujet du mensonge et de dissimulation au sein même des foyers.

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