"Un fléau qui touche notre pays" : les préconisations d'un rapport du Sénat face à l'ampleur du narcotrafic

Après six mois de travaux et l'audition de 70 personnes, la commission d'enquête sur le narcotrafic a rendu son rapport en formulant des propositions très concrètes pour lutter contre "un fléau qui touche notre pays".

Le constat est clair: la France est en retard dans la lutte contre le narcotrafic. "Si on avait pris la mesure du risque, on aurait déjà doté la France de moyens plus puissants", note Étienne Blanc, le rapporteur de la commission d'enquête du Sénat. Au travers de six mois et 70 personnes auditionnées, cette commission a "découvert l’ampleur, l’enracinement, les risques d’un fléau qui touche notre pays".

"On n'est pas au niveau de l'enjeu", conclut Jérôme Durain, le président LR de cette commission, dénonçant le plan stups actuel du gouvernement "famélique".

Forte de ce travail, la commission a fait ce mardi matin une série de propositions pour mieux lutter au niveau national contre ces trafics, tout en comprenant et prenant en compte l'aspect international du phénomène. "La menace est réelle et puissante", insiste le sénateur socialiste.

Les sénateurs Jérôme Durain (PS) et Étienne Blanc (LR), président et rapporteur de la commission d'enquête, ont émis la proposition de créer un parquet national antistupéfiants, à l'instar du parquet national antiterroriste et du parquet national financier. Pour la commission, il faut "spécialiser les acteurs de la lutte" et "faire émerger un interlocuteur visible".

A ce parquet, l'OFAST, l'office antistupéfiants, doit se renforcer et devenir un "DEA à la française", en référence à l'agence fédérale américaine en charge de la lutte contre les trafics.

Pour améliorer l'efficacité des enquêtes, la commission note qu'il faudrait faciliter les infiltrations policières et le traitement des sources en laissant plus de liberté aux agents pour avoir des sources, clarifier et assouplir la notion "d’incitation à commettre une infraction" pour les infiltrations. Elle propose aussi de durcir la procédure pénale, avec notamment la création d’un dossier "coffre" pour les techniques spéciales d’enquête les plus sensibles. Ce dossier resterait alors confidentiel pour éviter que les trafiquants mis en cause puissent le consulter et avoir accès aux techniques d'enquête des forces de l'ordre.

"L'argent, c'est le nerf de la guerre", résume Étienne Blanc. La commission d'enquête du Sénat sur le narcotrafic conseille un plan d'attaque contre la manne financière dégagée par ces trafics de drogue. Pour cela, elle propose d'"améliorer les saisies" des avoirs des trafiquants.

"L’État peut financer son action en allant chercher l’argent chez les criminels", poursuit le sénateur socialiste, citant les chiffres donnés par le ministre de l'Économie Bruno le Maire lors de son audition, à savoir un chiffre d'affaires lié au trafic de 3 à 6 milliards pour 100 millions saisis.

Concrètement, la commission estime qu'il faut "systématiser l’enquête patrimoniale pour comprendre comment est utilisé l’argent résultant du trafic". De cette enquête doit aussi découler, pour les sénateurs, la "fermeture administrative" des "commerces de façade", à savoir les commerces légaux utilisés par les trafiquants pour blanchir leurs revenus issus du trafic.

Là encore, la commission note un retard de la France sur la prise en compte de la corruption de ses institutions par les narcotrafiquants. "Il ne s’agit pas de décrire un pays gangréné à tous les étages mais ce phénomène est extrêmement inquiétant", relève Jérôme Durain, qui juge cette corruption "mal recensée".

La proposition est alors faite de "prévenir, détecter et réprimer" pour limiter la corruption des agents de l'État, des docks aux magistrats en passant par les douanes ou les policiers. Pour la commission, il faut "modifier l’organisation du travail", "détecter les usages anormaux des fichiers de police" et "lutter contre la présence des organisations dans les structures sensibles, on pense aux zones portuaires", en créant notamment une "liste noire de compagnies maritimes".

Article original publié sur BFMTV.com