Émeutes en Nouvelle-Calédonie : 25 ans après, ce reportage Strip-tease fait vivement réagir
Alors que de violentes émeutes agitent la Nouvelle-Calédonie, des extraits d'un reportage tourné sur place en 1998 ont ressurgi sur les réseaux sociaux.
Pour beaucoup d'internautes, cette courte vidéo illustre parfaitement l'emprise coloniale exercée par la France en Nouvelle-Calédonie. Alors que le territoire d'Outre-mer connaît actuellement une grave crise sociale (trois nuits d'émeutes consécutives, qui ont fait au moins cinq morts et plusieurs dizaines de blessés), un extrait d'un vieux reportage de l'émission Strip-tease est devenu viral sur le réseau social X (anciennement Twitter).
L'histoire coloniale de la Nouvelle-Calédonie et la condition déplorable des Kanaks résumées en 50 secondes, dans l’émission Strip-tease, en 1998.
#Nouméa pic.twitter.com/RZWGeeB9z0— Café Littéraire ☕️ (@C_litteraire) May 15, 2024
Édifiante, la vidéo laisse voir un commerçant blanc donner des ordres à l'un de ses employés noirs, en l'insultant copieusement et en affichant un racisme décomplexé. "T'es pas payé à te branler les cou*****", "c'est pas les Kanaks qui vont commencer à faire ch*** les blancs" ou encore "allez bouge-toi le cul sale enc***", peut-on ainsi entendre sortant de la bouche du commerçant.
Strip-tease, une émission qui donne la parole à ses sujets
Comme le rappelle le compte @C_litteraire, qui a exhumé cet extrait pour le partager sur X, il s'agit d'images tirées d'un reportage réalisé en 1998 dans le cadre de l'émission documentaire Strip-tease. Très populaire dans les années 1990 et 2000, ce programme créé en Belgique proposait une nouvelle approche pour traiter des sujets de société.
En l'occurrence, les concepteurs de l'émission ont opté pour un procédé simple : le documentaire sans commentaire ou presque, en immersion auprès d'une personne en particulier. Les caméras de l'émission suivaient chaque protagoniste dans sa vie quotidienne, avec l'objectif de lui donner directement la parole, sans intermédiaire.
L'impossible réconciliation entre les Caldoches et les Kanaks
En l'occurrence, l'extrait sur la Nouvelle-Calédonie est tiré d'un reportage en deux parties réalisé dans l'archipel en 1998, quelques semaines avant un référendum destiné à valider l'accord de Nouméa. Signé au printemps précédent, ce dernier prévoyait notamment un transfert de certaines compétences étatiques en Nouvelle-Calédonie et l'organisation de trois référendums sur l'indépendance (qui se sont finalement tenus en 2018, 2020 et 2021).
Présentant très crûment le racisme ambiant et l'impossible réconciliation entre la population blanche venue de France (les Caldoches) et la population noire autochtone (les Kanaks), les deux volets de cet épisode étaient intitulés "Caldoches de m..." et "Enc... de Kanaks". La vidéo diffusée sur X correspond en fait à l'introduction de la deuxième partie, juste avant que le titre apparaisse à l'écran.
Un florilège de propos racistes
Le reste de l'épisode est d'ailleurs à l'avenant de cette séquence introductive. Pendant une grosse quinzaine de minutes, on suit ainsi les pérégrinations de ce commerçant ayant visiblement pignon sur rue. Sans la moindre gêne, l'individu enchaîne les propos racistes et avilissants pour la population locale.
Dans un autre extrait isolé et diffusé sur X par le compte @coachouicoachv2, le commerçant, en pleine discussion avec deux amis, lâche ainsi : "Les Kanaks d'avant étaient moins bêtes et plus courageux que ceux de maintenant. Parce que les Kanaks d'avant, ils ne savaient pas lire, ils n'allaient pas à l'école, ils n'avaient rien, mais ils travaillaient !"
NON MAIS MDR. L'épisode est incroyable, il m'avait échappé alors que j'avais maté pas mal de strip-tease.
Je vous ai sélectionné 2 autres passages.
1. D'abord, l'analyse sociologique de la colonisation par les colons AUX PETITS OIGNONS avec une surprise à la fin 😂 https://t.co/eDobERSsJM pic.twitter.com/spnqDko8Ak— Alexandre Jaafari (@coachouicoachv2) May 16, 2024
Un reportage révélateur de l'esprit et du fonctionnement colonial ?
Un autre extrait du reportage partagé par le même compte illustre une autre facette du personnage, liée à son activité professionnelle. Parcourant une route en compagnie de l'équipe de tournage, il désigne un certain nombre de parcelles lui appartenant et finit par détailler sa méthode très particulière pour éliminer la concurrence : "Ma politique, c'est d'acheter des magasins et de les fermer. Dès qu'un gars m'embêtait, j'achetais son magasin et je le fermais, comme ça il n'y a plus aucune concurrence."
2. "Ca, c'est à moi, ça, c'est à moi, ça c'est à moi."
"Ma politique, c'est acheter la concurrence et la fermer"
😭😭😭😭 pic.twitter.com/jKDdZ9wGMw— Alexandre Jaafari (@coachouicoachv2) May 16, 2024
Dans le contexte actuel où les mouvements indépendantistes kanaks dénoncent plus que jamais une situation coloniale en Nouvelle-Calédonie, ces extraits ont donc semblé particulièrement révélateurs à bon nombre d'internautes. Si certains affirment qu'il est difficile de tirer des conclusions sur un document datant de plus de 25 ans, d'autres jugent au contraire que le "héros" du reportage est un effrayant exemple d'esprit et de fonctionnement colonial.
Mesdames et messieurs voici le colon français …. https://t.co/LcSMsR8Rm8
— Mademoiselle Aurélie (@LilideBastia30) May 16, 2024
Et vive la France…pays de la liberté,l’égalité et surtout la fraternité ! #NouvelleCalédonie https://t.co/Cigp1LJ1QG
— Christian DAURIAC (@chdauriac) May 16, 2024
Je me souviens très bien de cet épisode qui met à nu la violence quotidienne et concrète de la situation coloniale.
Il avait été un détonateur pour des ami•es et moi même, à 20 ans, pour se rendre compte de la persistance du colonialisme français.
Merci de l'avoir déterré https://t.co/FjndpdDdc8— Simon Duteil (@DuteilSimon) May 16, 2024