Fin de vie: la suppression du critère du pronostic vital "engagé à court ou moyen terme" divise les députés

Ce critère a été remplacé par la notion d'affection "en phase avancée ou terminale" dans le texte voté vendredi soir par la commission spéciale de l'Assemblée nationale.

C'est un point-clé du projet de loi sur la fin de vie et un changement qui a divisé majorité et députés de façon spectaculaire vendredi soir, lors du vote à main levée du texte en commission spéciale à l'Assemblée nationale. Alors que le texte du gouvernement prévoyait que l'une des conditions requises pour avoir accès à cette aide était que le pronostic vital des malades soit "engagé à court ou moyen terme", il a été remplacé par la notion d'affection "en phase avancée ou terminale".

En abordant cette question jeudi, le rapporteur général du texte Olivier Falorni, membre du groupe MoDem et donc de la majorité, a évoqué "le point le plus problématique et qui faisait le plus débat". Lui-même a apporté son soutien à la réécriture proposée, pointant la "grande difficulté d'établir ce qu'était le moyen terme".

"Le patient peut souhaiter, dès lors qu'il se trouve frappé d'une affection grave et incurable, ne pas connaître les affres de la maladie, même si son pronostic vital n'est pas directement engagé", ont de leur côté souligné plusieurs députés socialistes dans l'exposé des motifs de leur amendement.

La présidente de la commission Agnès Firmin-Le Bodo, qui avait participé à l'accouchement du texte comme ministre, a pris position contre cette modification, de même que la rapporteure Caroline Fiat (LFI).

"Supprimer le court et moyen terme, très clairement, on n'est plus du tout dans la même loi. On est dans une loi qui peut permettre à des personnes dont le pronostic vital serait engagé à long terme, qui peuvent avoir des souffrances physiques réfractaires, de demander à mourir. Ce n'est pas l'équilibre de la loi qui a été souhaitée et qui a été présentée", a dit Agnès Firmin-Le Bodo.

La ministre de la Santé Catherine Vautrin s'est également prononcée contre cette réécriture, faisant valoir qu'elle aurait pour conséquence, à rebours des intentions de ses partisans, de restreindre le champ des personnes éligibles aux patients "en extrême fin de vie".

La députée LR Annie Genevard, hostile au projet de loi, a fait part de sa "sidération" après la suppression de ce "verrou essentiel".

Le texte prévoit d'instaurer la possibilité pour certains patients de demander à un médecin d'être aidés à se suicider, via une substance létale qu'ils s'administreraient eux-mêmes ou qu'un tiers pourrait leur administrer s'ils ne peuvent pas le faire.

Outre le fait d'être atteint d'une "affection grave et incurable en phase avancée ou terminale", les patients devront pour être éligibles être majeurs, aptes à manifester leur volonté de manière libre et éclairée, et présenter une souffrance réfractaire aux traitements ou insupportable.

Les députés ont écarté l'ouverture du droit à mourir pour les mineurs, tout comme la possibilité pour les patients qui ne pourraient pas manifester leur volonté d'être euthanasiés sur la foi de leurs directives anticipées.

Autre point âprement débattu, celui de la collégialité de la décision. Un amendement proposé par la rapporteure Laurence Cristol (Renaissance) a précisé que le médecin qui prendra la décision d'autoriser l'aide à mourir le fera "dans le cadre d'une procédure collégiale pluri-professionnelle". La droite a dénoncé un "leurre", une "collégialité Canada Dry".

Le projet de loi comporte également un volet sur les soins palliatifs. Les députés ont réussi à faire adopter contre l'avis du gouvernement un amendement en faveur d'un "droit opposable" à bénéficier de ces soins, alors qu'une personne sur deux n'y a pas accès aujourd'hui.

Le texte arrivera dans l'hémicycle le 27 mai, poursuivant un parcours législatif qui pourrait durer au moins jusqu'à l'été 2025.

Article original publié sur BFMTV.com