"C'est trop simple de devenir proxénète" : comment le gouvernement veut lutter contre la prostitution

Aurore Bergé est revenue ce vendredi 3 mai sur BFMTV-RMC sur le plan anti-prostitution du gouvernement présenté la veille.

"Malheureusement, c’est trop simple aujourd'hui de devenir proxénète". Le constat est signé Aurore Bergé, ministre de l'Égalité entre les hommes et les femmes, invitée de BFMTV et de RMC ce vendredi 3 mai, au lendemain de la présentation du plan du gouvernement pour lutter contre la prostitution.

Aurore Bergé a d'abord pointé du doigt le rôle joué par des sites comme "Coco", une plaque tournante des dérives sur Internet, comme le présentait BFM Tech&Co récemment. Sur ce site, des images à caractère sexuel - parfois volées - sont présentes, tout comme des contenus pédopornographiques.

Coco est également connu pour être le point de départ de véritables guet-apens notamment contre des personnes homosexuelles. Le site est au coeur d'un procès à Valenciennes (Nord), dont le verdict est attendu ce vendredi. Il concerne 11 hommes, jugés pour recours à la prostitution d'un mineur.

"On a ces sites qui prolifères qui sont à la fois des sites, mais aussi des messageries privées. Ce qui est toute l'ambiguïté du site Coco parce que la messagerie privée c'est différent et plus difficile aussi à pouvoir réguler et réglementer", a expliqué Aurore Bergé.

Pour agir contre ce phénomène, on peut "faire en sorte que l'URL (adresse d'un site ou d'une page hypertexte sur Internet, NDLR) soit tout simplement supprimé", a indiqué la ministre, tout en appelant à "alerter" et "avertir" afin que "le moins de personnes possibles se retrouvent sur ces sites".

Avec le plan anti-prostitution, "on a renforcé une cellule dédiée de cyber enquêteurs", a ensuite ajouté Aurore Bergé, avant de préciser: "Toute la journée, ils regardent, malheureusement, ces images-là, pour voir ce qu'on peut supprimer, pour détecter des comptes, pour détecter s'il y a du proxénétisme, pour ensuite judiciariser."

Il s'agit aussi de "renforce[r] les moyens dédiés aux associations pour faire des maraudes numériques". Soit, "cette veille constante [...] qu'on doit faire pour vérifier les atteintes qui pourraient être faites à des mineurs."

Cette question des mineurs est d'autant plus prégnante aujourd'hui que leur nombre a doublé ces dernières années pour atteindre 30% des 40.000 personnes prostituées en France. Un réseau national de lieux d'accueil dédié doit être mis en place afin d'améliorer leur prise en charge.

Plus généralement, le texte vise à pallier certains manques de loi existante, datant de 2016. Saluée comme une avancée majeure par les abolitionnistes, celle-ci a notamment abrogé le délit de racolage et l'a remplacé par la pénalisation des clients, désormais passibles d'une amende de 1.500 euros -3.750 euros en cas de récidive.

Mais sur le terrain, les résultats sont en demi-teinte: les observateurs pointent un accompagnement insuffisant des personnes prostituées souhaitant en sortir et des disparités régionales en terme de condamnations des clients.

Pour tenter de remédier à ces manques, la stratégie de lutte prévoit parmi ses 25 mesures une implication accrue des commissions départementales dédiées ou encore un renforcement des actions prises contre les "prétendus salons de massage abritant la prostitution".

Très attendue, la présentation de cette "phase 2 de la loi de 2016", a été bien accueillie par cinq associations (Amicale du Nid, CAP International, Fondation Scelles, Mouvement du Nid et FNCIDFF) qui en ont salué la "volonté politique" et l'intégration en son sein du volet mineur.

Dans un communiqué commun, elles regrettent toutefois la décision du gouvernement de ne pas revaloriser le montant de l'aide financière d'insertion sociale (Afis) destinée aux personnes désireuses de sortir de la prostitution.

Cette allocation "reste à 342 euros par mois, C'est indigne !", dénoncent-elles. Quant à la "mise en sécurité des femmes et des filles, notamment étrangères mais aussi des mineures et jeunes majeures", elle est "insuffisante".

"Est-ce qu'il faut à terme revoir l'allocation? C'est un débat qu'on peut avoir", a déclaré Aurore Bergé sur BFMTV-RMC. Tout en soulignant que "la France est le seul pays au monde à accompagner des femmes et parfois des hommes qui sont en situation de prostitution pour leur permettre de sortir de ce qui est un système de violences et d'exploitation qu'on leur impose."

Le gouvernement doit également faire avec les critiques des associations anti-abolitionnistes, qui s'alarment régulièrement des conséquences de la loi de 2016 sur les prostituées confrontées depuis "à plus de violences". De leur côté, on se dit "peu surpris" par la teneur du plan.

"On est toujours dans l'idéologie, dans la lutte contre le travail du sexe sans se préoccuper des conséquences pour les personnes concernées, ni de ce qui fait que des personnes y ont recours", a estimé Sarah-Marie Maffesoli, coordinatrice à Médecins du Monde (MDM).

"Il y a des personnes qui potentiellement souhaiteraient exercer une autre activité, or ce n'est pas en pénalisant toujours plus leur activité ni en ne revalorisant pas l'allocation qu'on va leur permettre d'en exercer une autre", a-t-elle ajouté.

Article original publié sur BFMTV.com