Tradwives déçues et épuisées, elles témoignent : "J'étais devenue un esclave occidental des temps modernes"

Popularisé sur les réseaux sociaux, le mouvement #TradWife semble atteindre ses limites. Plusieurs néo-épouses modèles repenties ont en effet exprimé leur épuisement et leur désillusion, avec la volonté de prévenir les jeunes femmes qui souhaiteraient s'engager sur la voie inatteignable de la femme au foyer parfaite.

Tradwives déçues et épuisées, elles témoignent :
Tradwives déçues et épuisées, elles témoignent : "J'étais devenue un esclave occidental des temps modernes." Photo : Getty Creative

Conciliante, douce et tirée à quatre épingles, avec une maison impeccable et toujours un bon plat qui mijote. Tout droit issu des années 50, ce cliché de la femme au foyer modèle a connu une recrudescence ces dernières années, popularisé par plusieurs "influenceuses" traditionalistes et plutôt conservatrices sur les réseaux sociaux.

Sous le #TradWife, elles sont nombreuses à faire la promotion du retour des femmes au foyer, qui s'occupent de la maison, tandis que le mari travaille et est ainsi le seul pourvoyeur de revenus du ménage. Cette vision arriérée a séduit de nombreuses jeunes femmes, mais il semblerait qu'il ait atteint ses limites : en effet, comme l'a rapporté France Inter, plusieurs d'entre elles, même des figures du mouvement, sont revenues sur leur position après avoir rencontré des difficultés dans leur quotidien pas aussi idyllique que les séquences ultra léchées qu'elle s'appliquaient à diffuser à leurs abonnés.

Ainsi, l'une de ces "jeunes épouses modèles", Lauren Southern, a confié au média Unherd : "Je suis devenue ce qui se rapproche le plus d’un esclave occidental des temps modernes." Elle était chargée de s'occuper des "pelouses, (de) la maison, (de) la cuisine, (des) soins au bébé. Et je ne connaissais personne. Je n'avais aucun soutien. On ne m'aidait pas à changer les couches, on ne m'aidait pas à me réveiller la nuit avec le bébé. Je devais toujours me lever pour préparer le petit-déjeuner avant le travail. Je tremblais et j'étais nerveuse, de peur de me faire engu*uler."

Cette Canadienne issue de la classe moyenne chrétienne, devenue l'un des visages emblématiques du mouvement, s'est repentie publiquement. Celle qui a d'abord connu la notoriété dans les réseaux de l’extrême droite nord-américaine, avant de se consacrer totalement à son mariage, de cesser son activité d'influenceuse et de déménager en Australie a exprimé de lourds regrets.

Elle décrit un époux devenu violent après la naissance de son premier enfant. Son mari l'aurait chargée encore et toujours de nouvelles tâches domestiques tout en lui reprochant d'être un poids financier, il refusait de la laisser rentrer chez elle ou disparaissait au moindre désaccord, tout en menaçant de divorcer. "On me disait tous les jours que je ne valais rien, que j'étais pathétique. Un poids mort. 'Tout ce que tu fais, c'est t'asseoir, t'occuper du bébé et faire des tâches ménagères.' (...) Je me souviens qu'il y a eu des nuits où il m'a traitée d'inutile et de pathétique, puis il est monté dans sa voiture et il est parti. (...) Je me souviens d'avoir dû frapper à la porte du voisin les soirs de pluie, parce qu'il s'énervait et partait sans avoir déverrouillé la maison. C'était très étrange de passer du statut de personnage public sur scène (...) à celui de fille qui pleurait, qui frappait à la porte de quelqu'un sans pouvoir entrer dans sa maison, qui était abandonnée avec un bébé."

Un tableau loin des images de bonheur, d'épanouissement et de stabilité véhiculés par les contenus postés sous le #TradWife. Pour Lauren Southern, la situation était devenue "un enfer sur terre", à tel point qu'elle s'était mise, pour la première fois de sa vie, à "idéaliser la mort". Elle a expliqué être retournée au Canada et s'être installée dans un quartier ouvrier pour prendre un nouveau départ. Si elle ne renie pas complètement ses valeurs traditionnelles, la jeune femme a conscience qu'elle a idéalisé cet objectif de famille unie grâce à des rôles genrés, très éloignés de la réalité et des nuances apportées par la personnalité de chaque individu.

Pour recevoir du soutien et accompagner d'autres jeunes femmes qui regrettent leurs choix, Lauren Southern a créé un groupe Whatsapp, afin qu'elle puissent partager leurs expériences. Sur TikTok, d'autres ex-Tradwives disent leur déception : l'une d'elles, mère de quatre enfants, explique avoir divorcé et peine à retrouver du travail après dix ans sans activité professionnelle. Dans une autre vidéo, une jeune femme craque dans sa voiture, en conseillant aux jeunes femmes de ne pas faire la même erreur qu'elle.

Exemple concret du backlash qui a frappé la dernière vague de féminisme portée par #MeToo, le mouvement #TradWife connaît-il ses dernières heures ? Affaire à suivre.

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