Cette phrase de Léa Salamé sur les violences sexuelles est une "inversion de la culpabilité", selon ces victimes

Face à Juliette Binoche sur "France Inter", l’animatrice et journaliste a laissé entendre que certaines victimes de violences sexuelles se "laissaient faire" Et d’autres non.

« Vous avez eu le courage de dire non... Là où d’autres se sont laissées faire » : c’est cette phras de Léa Salamé à Juliette Binoche qui a provoqué de nombreuses réactions.
« Vous avez eu le courage de dire non... Là où d’autres se sont laissées faire » : c’est cette phras de Léa Salamé à Juliette Binoche qui a provoqué de nombreuses réactions.

VIOLENCES - Après ses remarques sur l’arrêt de l’alcool qui rendrait « chiant », l’animatrice et journaliste Léa Salamé a de nouveau créé la polémique avec un commentaire sur les violences sexuelles… Sur France Inter, elle s’adressait ce 1er mai à Juliette Binoche, qui a récemment évoqué dans Libération les agressions et le harcèlement sexuels subis tout au long de sa carrière.

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« Vous racontez tout en fait, les attouchements, ce baiser que tel réalisateur vous a imposé, cet autre qui vous a pelotée de force dans votre loge… énumère-t-elle. Mais vous dites : “Très vite, je disais non, ça suffit, j’ai mon amoureux.” Vous avez eu le courage de dire non… Là où d’autres se sont laissées faire. »

Cette dernière phrase a fait bondir les victimes de violences sexistes et sexuelles (VSS), qui ont dénoncé une « inversion de la culpabilité » entre agresseur et victime. « J’ai été violée à l’âge de 7 ans par un mec qui en avait 17. Évidemment que je n’ai pas eu “le courage de dire non”. La hiérarchisation entre les bonnes et les mauvaises victimes et la culpabilisation renforcent les VSS. Léa Salamé est une journaliste dangereuse », s’indigne l’une d’entre elles sur X.

Parmi les victimes, certaines ont rappelé que face à une agression, les réactions sont multiples et variées. Qu’aucune hiérarchie n’existe et que les mécaniques du traumatisme sont complexes. « Personnellement, je n’ai pas pu dire non. Je n’ai pas réussi. C’était impossible. Mais je ne me suis pas “laissée faire”, comme vous dites. Tout mon corps disait non. Avez-vous entendu parler de l’emprise, de la dissociation ou de la sidération ? », a réagi l’historienne et féministe Élodie Jouneau.

« Quand PPDA m’a agressée dans son bureau, le 25 juin 2008, j’ai été incapable de réagir. J’ai hurlé. “Patrick ouvre cette porte !”, mais je n’arrivais plus à bouger. Mon corps a fait ce qu’il a pu. Après je ne me souviens plus de rien. Sidération. Dissociation », a témoigné Emmanuelle Dancourt, journaliste et présidente de #MetooMedia.

D’autres ont également rappelé que dire non, face à quelqu’un qui ne respecte pas la notion de consentement, peut s’avérer vain. « Personnellement j’ai dit non, gentiment, plus fermement, en plaisantant, en pleurant, en m’énervant, quotidiennement, pendant presque six mois. Alors l’avis médiocre de Léa Salamé, je pense que j’en ai rien à foutre », s’insurge une autre victime.

Plusieurs ont dénoncé la distinction encore prégnante dans l’imaginaire collectif entre les prétendues « bonnes » et « mauvaises » victimes. « Quelle tristesse que le service public participe encore en 2024 à l’inversion de la culpabilité et la culture du viol. Non Léa Salamé, il n’y a pas les bonnes victimes qui ont le courage de dire non et les mauvaises qui “se laissent faire”. Un seul coupable : l’agresseur, point », a soutenu la députée de Paris LFI Sarah Legrain.

« Le féminisme c’est pas idolâtrer des “femmes puissantes” en rêvant de leur ressembler, c’est parler et se battre pour celles qui n’ont jamais répondu, qui ne peuvent pas dire non, qui ne sont jamais parties », a rappelé la militante et autrice Rose Lamy sur X à l’attention de Léa Salamé, en référence à son émission « Femmes puissantes », diffusée de 2019 à 2021.

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