#MeToo Hôpital : Agnès Buzyn raconte le harcèlement qu’elle a subi quand elle était médecin, dans ce documentaire M6

ME TOO - « J’ai cru que j’allais mourir. Ça a été d’une telle violence, une telle mise à l’écart. J’étais épuisée. (...) Ça devenait tellement fou que j’ai décidé de m’extraire de mon métier de médecin. » Ces mots sont ceux d’Agnès Buzyn, ancienne ministre de la Santé. Dans le documentaire Des blouses pas si blanches, diffusé ce dimanche soir à 23 h 10 sur M6, elle fait partie des femmes qui racontent avoir été victimes de violences sexistes et sexuelles dans le milieu hospitalier.

Cette phrase de Léa Salamé sur les violences sexuelles est une « inversion de la culpabilité », selon ces victimes

L’enquête, signée par Marie Portolano - qui a co-réalisé le film avec Grégoire Huet - est diffusée alors que le mouvement #MeToo Hôpital prend de l’ampleur et que les témoignages de harcèlement, agressions sexuelles et viols dans le milieu hospitalier se multiplient depuis plusieurs semaines.

Comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête de l’article, dans le documentaire, Agnès Buzyn revient sur un moment clef de sa carrière médicale, alors qu’elle était praticienne à l’hôpital Necker à Paris. Nous sommes en 2003, elle a alors 40 ans et s’apprête à devenir professeure.

Dans la commission qui doit identifier et sélectionner les futurs cadres de l’hôpital, il y a 32 hommes et aucune femme. « Là, j’ai compris qu’il y avait un dysfonctionnement grave », se souvient-elle. Une fois nommée professeure, elle sent immédiatement un changement de comportement vis-à-vis d’elle de la part de ses collègues masculins.

« Je la verrais bien avec des bottes et un fouet »

« Du jour au lendemain, alors que je fais le même métier, que je prescris les mêmes choses, le titre les rend fous furieux, raconte-t-elle. Et je sens une immense agressivité de la part de mes collègues. Les hommes ne supportaient pas d’avoir, hiérarchiquement, une femme au-dessus d’eux. » Elle va alors vivre ce qu’elle décrit comme quatre années de harcèlement.

Elle tente alors de demander de l’aide au représentant des médecins au sein de l’hôpital. « En sortant de son bureau, il a dit à l’un de mes collègues : “Je la verrais bien avec des bottes et un fouet.” Je me suis effondrée. Je venais pour un problème grave et, dans mon dos, on faisait cette remarque, ma parole n’avait donc pas été prise au sérieux », se souvient-elle dans Paris Match, où elle évoque le même épisode.

Ces quatre ans de harcèlement vont avoir raison de sa vocation. « J’ai cru que j’allais mourir. Ça a été d’une telle violence, une telle mise à l’écart. J’étais épuisée, témoigne-t-elle dans le documentaire. Si je n’avais pas eu des enfants, à cette période-là… J’étais vraiment pré-suicidaire. Ça devenait tellement fou que j’ai décidé de m’extraire de mon métier de médecin. » L’ancienne ministre n’est pas la seule à avoir quitté le milieu médical en raison de son ambiance particulièrement sexiste.

Bizutage, rites d’initiation et fresques pornographiques

Durant tout le documentaire, ce sont des infirmières, des médecins, des aides-soignantes ou des étudiantes en médecine qui témoignent de violences sexistes et/ou sexuelles à l’hôpital ou durant leurs études. Il y a Nathalie, infirmière de bloc opératoire, qui a été harcelée pendant deux ans par un supérieur hiérarchique et n’a pas été soutenue par la direction de l’hôpital quand elle a dénoncé les faits.

Il y a Camille, cette femme médecin qui a vu le plafond de verre s’abattre sur elle le jour où elle a eu des enfants. « On m’a fait comprendre très subtilement qu’avoir des enfants c’était bien, mais que si je ne voulais pas être aussi disponible qu’avant c’était mon problème. Et que je n’avais qu’à mieux m’organiser », se souvient-elle. Rien n’est fait pour lui faciliter la tâche, au point qu’elle finira par perdre 10 kg et être hospitalisée à son tour.

L’enquête raconte aussi les soirées étudiantes, l’esprit « carabin » des salles de garde, au départ censé permettre au personnel médical de décompenser le stress et les émotions auxquelles ils font face dans leur travail. Sauf que le bizutage, les rites d’initiation dans la forêt, les fresques pornographiques et l’humour dit « potache », qui se transmettent de génération en génération de médecins, ne sont plus perçus de la même manière en 2024.

Un toucher vaginal sur une patiente endormie

On retrouve également Marine Lorphelin, Miss France 2013. Aujourd’hui médecin généraliste et chroniqueuse santé dans Télématin, elle raconte notamment les abus auxquels elle a assisté pendant ses études, comme un toucher vaginal effectué sur une patiente endormie.

Tous ces témoignages s’ajoutent aux voix du mouvement #MeTooHopital, dont le murmure se fait de plus en plus bruyant ces derniers mois. Mi-mars, Karine Lacombe, cheffe de service hospitalier des maladies infectieuses à l’hôpital Saint-Antoine, à Paris, a accusé le célèbre urgentiste Patrick Pelloux de « harcèlement sexuel et moral ».

Des accusations niées par le médecin, mais qui semblent avoir libéré la parole. À voir ce qui en sera fait désormais, comme dans chaque secteur où #MeToo a soulevé le sujet des violences sexistes et sexuelles.

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