Cette phrase de Léa Salamé sur les violences sexuelles est une "inversion de la culpabilité", selon ces victimes
Face à Juliette Binoche sur "France Inter", l’animatrice et journaliste a laissé entendre que certaines victimes de violences sexuelles se "laissaient faire" Et d’autres non.
VIOLENCES - Après ses remarques sur l’arrêt de l’alcool qui rendrait « chiant », l’animatrice et journaliste Léa Salamé a de nouveau créé la polémique avec un commentaire sur les violences sexuelles… Sur France Inter, elle s’adressait ce 1er mai à Juliette Binoche, qui a récemment évoqué dans Libération les agressions et le harcèlement sexuels subis tout au long de sa carrière.
« Vous racontez tout en fait, les attouchements, ce baiser que tel réalisateur vous a imposé, cet autre qui vous a pelotée de force dans votre loge… énumère-t-elle. Mais vous dites : “Très vite, je disais non, ça suffit, j’ai mon amoureux.” Vous avez eu le courage de dire non… Là où d’autres se sont laissées faire. »
Cette dernière phrase a fait bondir les victimes de violences sexistes et sexuelles (VSS), qui ont dénoncé une « inversion de la culpabilité » entre agresseur et victime. « J’ai été violée à l’âge de 7 ans par un mec qui en avait 17. Évidemment que je n’ai pas eu “le courage de dire non”. La hiérarchisation entre les bonnes et les mauvaises victimes et la culpabilisation renforcent les VSS. Léa Salamé est une journaliste dangereuse », s’indigne l’une d’entre elles sur X.
#Meetoo Juliette Binoche
Léa Salamé a ces mots : « Le courage de dire non », « là où d’autres se sont laissées faire »…
Ou l’inversion de la culpabilité :
pic.twitter.com/3I6Wo5B8uM— Anne Jouan (@JouanAnne1) May 1, 2024
[TW : VSS]
J'ai été violée à l'âge de 7 ans par un mec qui en avait 17. Évidemment que je n'ai pas eu "le courage de dire non".
La hiérarchisation entre les bonnes et les mauvaises victimes et la culpabilisation renforcent les VSS.@LeaSalame est une journaliste dangereuse. https://t.co/ORPMhmTqli— Blanche Jardin, menus dans mon profil 🤓☝️ (@benecologie) May 3, 2024
"Tout mon corps disait non"
Parmi les victimes, certaines ont rappelé que face à une agression, les réactions sont multiples et variées. Qu’aucune hiérarchie n’existe et que les mécaniques du traumatisme sont complexes. « Personnellement, je n’ai pas pu dire non. Je n’ai pas réussi. C’était impossible. Mais je ne me suis pas “laissée faire”, comme vous dites. Tout mon corps disait non. Avez-vous entendu parler de l’emprise, de la dissociation ou de la sidération ? », a réagi l’historienne et féministe Élodie Jouneau.
Bonjour @LeaSalame,
Personnellement, je n’ai pas pu dire non.
Je n’ai pas réussi.
C’était impossible.
Mais je ne me suis pas "laissée faire", comme vous dites.
Tout mon corps disait non.
Avez-vous entendu parler de l’emprise, de la dissociation ou de la sidération ?#MeToo https://t.co/eYpxib8Ek5— Elodie Jauneau (@ElodieJauneau) May 2, 2024
« Quand PPDA m’a agressée dans son bureau, le 25 juin 2008, j’ai été incapable de réagir. J’ai hurlé. “Patrick ouvre cette porte !”, mais je n’arrivais plus à bouger. Mon corps a fait ce qu’il a pu. Après je ne me souviens plus de rien. Sidération. Dissociation », a témoigné Emmanuelle Dancourt, journaliste et présidente de #MetooMedia.
Quand PPDA m’a agressée dans son bureau, le 25 juin 2008, j’ai été incapable de réagir. J’ai hurlé. « Patrick ouvre cette porte ! », mais je n’arrivais plus à bouger. Mon corps a fait ce qu’il a pu. après je ne me souviens plus de rien. Sidération. Dissociation. @LeaSalame https://t.co/pzToLC602d
— Emmanuelle DANCOURT (@EmmaDancourt) May 2, 2024
D’autres ont également rappelé que dire non, face à quelqu’un qui ne respecte pas la notion de consentement, peut s’avérer vain. « Personnellement j’ai dit non, gentiment, plus fermement, en plaisantant, en pleurant, en m’énervant, quotidiennement, pendant presque six mois. Alors l’avis médiocre de Léa Salamé, je pense que j’en ai rien à foutre », s’insurge une autre victime.
Personnellement j'ai dit non, gentiment, plus fermement, en plaisantant, en pleurant, en m'énervant, quotidiennement, pendant presque 6 mois.
Alors l'avis médiocre de Léa Salamé, je pense que j'en ai rien à foutre https://t.co/xIbMHK1jLA— Amandine (@MotherOfSighs_) May 2, 2024
Plusieurs ont dénoncé la distinction encore prégnante dans l’imaginaire collectif entre les prétendues « bonnes » et « mauvaises » victimes. « Quelle tristesse que le service public participe encore en 2024 à l’inversion de la culpabilité et la culture du viol. Non Léa Salamé, il n’y a pas les bonnes victimes qui ont le courage de dire non et les mauvaises qui “se laissent faire”. Un seul coupable : l’agresseur, point », a soutenu la députée de Paris LFI Sarah Legrain.
Quelle tristesse que le service public participe encore en 2024 à l'inversion de la culpabilité et la culture du viol.
Non @LeaSalame il n'y a pas les bonnes victimes qui ont le courage de dire non et les mauvaises qui "se laissent faire".
Un seul coupable : l'agresseur, point. https://t.co/ms4yLSaurN— Sarah Legrain 🌿 (@S_Legrain) May 2, 2024
Faut se remettre en question Léa Salamé. Ça va plus là. C'est à cause de discours comme le vôtre que des personnes peuvent se sentir comme "de mauvaises victimes". Votre discours est répugnant https://t.co/jG9xvemhPk
— Miamologue 🦖 (@miamologue) May 1, 2024
« Le féminisme c’est pas idolâtrer des “femmes puissantes” en rêvant de leur ressembler, c’est parler et se battre pour celles qui n’ont jamais répondu, qui ne peuvent pas dire non, qui ne sont jamais parties », a rappelé la militante et autrice Rose Lamy sur X à l’attention de Léa Salamé, en référence à son émission « Femmes puissantes », diffusée de 2019 à 2021.
7 ans de posts sur les réseaux sociaux, de livre, de videos pédagogiques pour expliquer les mécaniques du trauma, la sidération, et pour installer l'idée que les victimes de violences sexistes et sexuelles "ne se laissent pas faire". @LeaSalame en 2024 : https://t.co/82M2LWhMpi
— Rose La Mims (@preparezbagarre) May 1, 2024
Le féminisme c'est pas idolâtrer des "femmes puissantes" en rêvant de leur ressembler, c'est parler et se battre pour celles qui n'ont jamais répondu, qui ne peuvent pas dire non, qui ne sont jamais parties.
— Rose La Mims (@preparezbagarre) May 1, 2024
C'est fou ce qu'elle est imprégnée de la culture patriarcale et masculiniste. Pour elle, ne pas boire, c'est être chiant et les femmes violées sont des femmes qui n'ont pas su se défendre.
— Frédéric Sergent (@FredSergent) May 2, 2024
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