Plainte contre Jean-Luc Mélenchon : qui était Adolf Eichmann, un des organisateurs de la "solution finale" ?

Après avoir vu deux de ses conférences annulées, Jean-Luc Mélenchon a réagi en évoquant le nom de l'officier nazi. Le gouvernement a porté plainte pour "injures publiques".

Adolf Eichmann est connu quand étant l'un des principaux organisateurs de
Adolf Eichmann est connu quand étant l'un des principaux organisateurs de "la solution finale". (Photo JOHN MACDOUGALL / AFP)

Une référence qui fait beaucoup parler. Après l’annulation de ses conférences sur la Palestine à Lille, Jean-Luc Mélenchon n’a pas tardé à exprimer sa colère. Le 18 avril, lors d’une conférence organisée cette fois-ci dans les rues lilloises, le candidat LFI à la présidentielle 2022 a asséné, au sujet du choix de l’université du Nord :

"Moi je n’ai rien fait, disait Eichmann. Je n’ai fait qu’obéir à la loi telle qu’elle était dans mon pays. Alors ils disent qu’ils obéissent à la loi et ils mettent en œuvre des mesures immorales qui ne sont justifiées par rien ni personne".

Une affirmation qui n’a pas plu au gouvernement français qui poursuit désormais Jean-Luc Mélenchon pour "injures publiques" pour avoir "traité de nazi le président (de l’université de Lille)", a précisé ce dimanche 28 avril Sylvie Retailleau, la ministre de l’Enseignement supérieur. Mais qui était Adolf Eichmann, cité par l’ex-candidat à la présidentielle ?

Né en 1906 à Solingen, près de Düsseldorf, en Allemagne, Adolf Eichmann est considéré comme l’artisan de la "solution finale", l'entreprise de déportation et d'extermination systématique des Juifs d'Europe qui a conduit à la mort de cinq à six millions d’entre eux pendant la Seconde Guerre mondiale.

Avant de faire ses armes au sein du parti nazi, ce fils de comptable rejoint les Wandervögel ("Oiseaux migrateurs"), un mouvement de jeunesse néo-romantique qui prône le retour à la nature, la randonnée et la pratique de la musique. Il fait déjà partie de la branche extrémiste de ces derniers – les Faucons – qui partage des "conceptions raciales extrémistes". Il quitte le lycée et rejoint à 26 ans la SS autrichienne et les francs-maçons. On le somme de choisir : il choisira le parti nazi autrichien.

Pleinement intégré en 1932 au sein de la SS de Salzbourg, il n’a pas lu "Mein Kampf" et ne le lira jamais, d'après la philosophe allemande Hannah Arendt. Il ne connait pas non plus le Programme du NSDAP, le parti d’Adolf Hitler. Rien qui ne l’empêche d’être promu à la tête de l’équipe de Dachau, le premier camp de concentration nazi, au printemps 1933, alors qu’Hitler vient d’être élu Chancelier. Adolf Eichmann n’a alors que 27 ans.

Très vite, l’officier allemand est repéré par ses supérieurs et placé à Berlin au service des "affaires juives", où il fera l’essentiel de sa carrière. C’est ici que naitra le projet auquel il s’attellera toute sa vie : la "solution politique", c’est-à-dire l'expulsion des Juifs d'Allemagne. Il commence en Autriche et interne dans des camps 60 % de la population juive autrichienne, soit 150 000 personnes, en huit mois.

En 1942, un an après être arrivé à la Gestapo, il définit avec clarté les contours de sa "solution finale" lors de la tristement célèbre conférence de Wannsee. Durant deux ans, Adolf Eichmann est chargé des trains qui transportent les Juifs vers les camps d'extermination en Pologne.

"Je sauterai dans ma tombe en riant, car c’est une grande satisfaction pour moi que d’avoir sur la conscience la mort de cinq millions de juifs" a-t-il déclaré à la fin de la guerre, rappelle Le Nouvel Obs.

Il est "le créateur de l'étoile jaune, des rafles, du camp français de prisonniers juifs de Drancy, du travail obligatoire", liste l’Institut National des Archives. Il poursuit la déportation de centaines de milliers de Juifs vers les chambres à gaz, notamment à Auschwitz, et en grande partie depuis la Hongrie. Il récupère les biens des victimes, poursuit l’INA : cheveux, dents en or, chaussures…

" Les froids, dit un de leurs rapports publiés par Le Monde en 1961, ont rendu beaucoup plus difficiles les exécutions. (…) On pense en finir en deux mois avec les juifs de cette région si les circonstances atmosphériques le permettent."

De la fuite en Argentine au procès de Nuremberg

À la fin de la guerre, l’officier SS organise encore quelques "marches de la mort" des prisonniers d’un camp à un autre pour poursuivre leur extermination en dépit de l’avancement des Alliés. Puis Eichmann se réfugie avec sa femme en Autriche. Recherché comme criminel de guerre, il est emprisonné en Allemagne mais réussit à s’évader. Il se cache un temps dans son pays natal, en élevant notamment des poules.

Alors que les procès commencent, ses anciens collaborateurs dénoncent un à un son travail déterminant dans l’extermination des Juifs. Adolf Eichmann s’envole finalement pour l’Argentine sous une fausse identité italienne.

En 1960, en pleine opération Attila, qui recherche les nazis exfiltrés, il est capturé par des agents du Mossad en pleine rue, à Buenos Aires. Lors du très dense procès de Nuremberg, il estime être "humainement coupable" mais pas pénalement responsable, rapporte l’AFP en juin 1961. Il est finalement reconnu coupable de tous les chefs d'accusation portés contre lui, de crimes contre le peuple juif à crimes contre l'humanité. Le 31 mai 1962, Adolf Eichmann est exécuté par pendaison en Israël. "J'ai vécu dans la croyance de Dieu et je mourrai dans la croyance de Dieu", s’est-il défendu, dans un récit du procès de Nuremberg dressé par Le Monde en 1962. L’ex-lieutenant SS est resté fidèle au serment des nazis jusqu’à la fin.