Qui est Nassira El Moaddem, journaliste cible d'insultes racistes de la part de l'extrême droite ?

La journaliste a reçu un déferlement d'insultes racistes et de menaces sur les réseaux sociaux, après avoir qualifié la France de "pays de racistes dégénérés".

Nassira El Moaddem prise pour cible par la mouvance identitaire (Photo : THOMAS SAMSON/AFP via Getty Images)

Au vu de la teneur et de la violence des propos tenus, d'aucuns pourraient penser que ses détracteurs ont tendance à appuyer son propos. Depuis deux jours, la journaliste Nassira El Moaddem subit un torrent d'insultes racistes et de menaces sur les réseaux sociaux, notamment X (anciennement Twitter), à la suite d'un post dans lequel elle qualifiait la France de "pays de racistes dégénérés".

En l'occurrence, Nassira El Moaddem réagissait à une polémique née d'un courrier envoyé à la fin du mois de février dernier par la Ligue de Football Amateur (LFA) à tous les présidents de ligues et de districts constituant le réseau du foot amateur en France, pour faire passer certaines consignes relatives au "principe de neutralité".

Dans cette lettre, la LFA, composante de la Fédération Française de Football (FFF), insistait ainsi, selon RMC, sur le fait "que le port de certains équipements comme les casques ou les collants ne peuvent être portés qu’après une autorisation médicale délivrée par la Commission Médicale de la FFF après une étude approfondie de chaque cas".

Signataire du document, le président de la LFA Vincent Norlogues précisait même que "ces équipements, s'ils sont autorisés par la commission médicale fédérale, ne sauraient être portés avec des signes ostensibles visibles d'appartenance, tels qu'interdits par nos statuts" et demandait explicitement la "non participation à la rencontre de la personne concernée", voire, en cas de protestation de cette dernière, l'annulation du match.

Concernant les collants, les dirigeants du football amateur s'inquiétaient qu'ils soient utilisés pour "dissimuler les cuisses et les genoux, comme recommandés par les tenants d’un islam rigoriste". Certaines voix se sont donc élevées pour dénoncer un rappel à la règle uniquement motivé par des velléités islamophobes au sein de la FFF, qui s'était d'ailleurs déjà retrouvée au cœur d'une polémique similaire en mars suite à son refus d'adapter ses règles pendant la période du ramadan.

Quelques heures après la publication de son message sur X pour dénoncer cette situation, Nassira El Moaddem a donc été prise pour cible par un nombre important de militants d'extrême droite. Selon la journaliste, ce sont les propos tenus par le député Rassemblement National de l'Yonne Julien Odoul sur le plateau de CNews qui ont déclenché ce déferlement de haine.

Dans la suite de ce thread publié sur le réseau social, Nassira El Moaddem donne, captures d'écran à l'appui, plusieurs exemples de messages d'insultes et de menaces reçus ces dernières heures. Au-delà de ces propos passibles de poursuites, plusieurs militants d'extrême droite ont interpellé la jeune femme pour lui demander de quitter la France. La directrice du groupuscule identitaire Collectif Némésis a même lancé une cagnotte en ligne pour "offrir un billet d'avion à Nassira El Moaddem", avant de la supprimer quelques heures plus tard.

Dans son intervention sur la chaîne CNews, le député d'extrême droite Julien Odoul a également demandé à ce que la journaliste soit suspendue par la directrice de Radio France, Sibyle Veil. En 2021 et 2022, Nassira El Moaddem avait en effet été à la tête de l'émission "Parcours de combattants", sur l'antenne de France Inter, mais depuis, elle n'officie plus sur la station, ni sur une aucune autre de Radio France.

Actuellement employée par Arrêt sur Images, le média indépendant initié par Daniel Schneidermann, elle a reçu le soutien de ses collègues dans une chronique publiée ce jeudi sur le site. D'autres médias comme Mediapart ou Les Jours ont également témoigné leur solidarité envers Nassira El Moaddem.

Au cours de sa formation à l'Ecole Supérieure de Journalisme (ESJ) de Lille, Nassira El Moaddem avait par ailleurs déjà été confrontée à la problématique du racisme. Plusieurs années après son passage dans cette prestigieuse école, la jeune femme a en effet révélé avoir été la cible de harcèlement de la part d'un groupe d'élèves. En plus de se livrer à des canulars téléphoniques douteux, ces derniers prenaient apparemment un malin plaisir à se moquer des origines maghrébines de l'étudiante.

"Avant des cours de télévision à l'ESJ Lille, les étudiants dits cool, ceux-là mêmes qui m'ont harcelée au téléphone me faisant miroiter un recrutement à Radio France, s'amusaient à mettre 'la zoubida', affirme ainsi la journaliste, citée par L'Express dans un article de 2019. J'étais la seule d'origine arabe du groupe TV."