Lactalis : 5 choses à savoir sur le premier producteur mondial de lait

Chaque semaine, Yahoo vous invite à mieux connaître une entreprise. Petits secrets, anecdotes, histoires insolites, ne manquez pas l’occasion d’épater vos amis. Pour ce 118e épisode, on s’intéresse au numéro un français de l’agroalimentaire : Lactalis.

Lactalis : 5 choses à savoir sur le premier producteur mondial de lait (Crédit : REUTERS/Charles Platiau)

Aussi discret que puissant, le groupe Lactalis a vu son histoire commencer modestement du côté de Laval, en Mayenne. Le 19 octobre 1933, André Besnier, le grand-père de l’actuel PDG Emmanuel Besnier, fabrique ses 17 premiers camemberts baptisés "Le Petit Lavallois" avec 35 litres de lait. Le laitier mayennais ne le sait pas encore mais il vient de poser la première pierre d’un empire tentaculaire qui a réalisé 28 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2022.

Dès le début des années 50, André Besnier s’attèle à diversifier l’offre avec du beurre et de la crème fraîche en plus du lait. Son décès, en 1955, met son fils, Michel, sous le feu des projecteurs. Sous son impulsion, le groupe Besnier double le chiffre d’affaires annuel en seulement deux ans et place la petite entreprise sur la voie du succès et de l’internationalisation. Il créé la marque Président et lance le premier lait conditionné en brique Tétra Pak.

En 1988, le géant de Laval change encore de dimension en devenant pleinement propriétaire de Lactel. Cette dernière s’impose rapidement comme la marque phare de l'entreprise pour le lait de consommation. Dans le même temps, le dirigeant exporte du brie aux États-Unis et part à la conquête de l’Europe (Ukraine, Italie, Pologne…) pour étoffer son catalogue de produits.

Pour faciliter sa visibilité, l’entreprise Besnier prend définitivement le nom de Lactalis en 1999. Le décès soudain de Michel Besnier d’une crise cardiaque en 2000 propulse son fils de 29 ans, Emmanuel, en tant que numéro un du géant familial. Un quart de siècle plus tard, le PDG de Lactalis, toujours en poste aujourd’hui, a fait perdurer l’héritage familial.

Si la discrétion portait un nom, ce serait sans doute celui d’Emmanuel Besnier. Contrairement à certains de ses collègues qui accourent dès qu’on leur tend un micro, le chef d’entreprise ne participe à aucune émission de télévision, livre ses interviews au compte-gouttes et très peu de photos de lui circulent sur internet. À tel point que la plupart de ses 85 000 salariés, dont 15 000 en France, ne connaissent même pas son visage. "Son grand-père allait dans chaque ferme, connaissait chaque producteur. Lui, personne ne le voit jamais !", s’étonnait en 2018 Philippe Jéhan, président du syndicat agricole FDSEA de Mayenne, interrogé par La Voix du Nord.

Emmanuel Besnier, 53 ans et décrit comme un gros travailleur, poursuit le travail engagé par son père et et son grand-père. Le premier collecteur de lait en France a opéré au moins une cinquantaine d’acquisitions sur tous les continents depuis 2000 lui permettant de s’imposer comme le leader mondial du lait et le numéro un français de l’agroalimentaire devant Danone.

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Son fait d’arme le plus spectaculaire ? Le rachat en 2011 de Parmalat, leader italien du lait de consommation. Aussi invisible aux yeux du grand public que puissant, le discret dirigeant n’hésite pas à se mettre à dos Leclerc. En 2011, Lactalis a arrêté de livrer ses marques au champion de la grande distribution sous fond de désaccords sur l'acceptation des hausses tarifaires. Il faudra attendre un an pour que la mozzarella Galbani, le camembert Lanquetot, le roquefort Société et le lait Lactel, entre autres, reviennent dans les rayons.

Selon Forbes, le patron du géant laitier est la sixième fortune de France avec 24 milliards de dollars. Il est le premier milliardaire français venu d'un autre horizon que le luxe et la beauté.

Emmanuel Besnier en 2024 (Photo by Douglas Magno / AFP)
Emmanuel Besnier en 2024 (Photo by Douglas Magno / AFP)

Malgré son succès spectaculaire et son statut de leader mondial du lait qui devrait faire la fierté de la France, Lactalis ne jouit pas d’une excellente réputation à cause des nombreuses crises qui ont largement terni son image. En 2015, la multinationale, qui n’est pas cotée en Bourse, écope d’une amende record de 60 millions d’euros par l’Autorité de la concurrence pour avoir participé avec huit autres fabricants de produits laitiers au "cartel du yaourt". Il s’agissait d’un "accord visant à définir en commun les prix lors des appels d'offres des enseignes de distribution pour la production de leurs propres marques, dites ‘distributeurs’. Cela permettait aux sociétés en question de se partager le marché", récapitule Franceinfo.

Un an plus tard, les producteurs laitiers, exaspérés par la situation, ont pris pour cible Lactalis et dénoncé les tarifs trop bas auxquels le géant de Laval leur achète leur lait. "Eux, ils s'en mettent plein les poches et nous on meurt. 17 milliards de chiffre d'affaires... nous, on perd 40 000 euros par an", déplorait une productrice de lait mayennaise au micro d’Europe 1 au moment de la crise du lait de 2016.

Philippe Jehan, lui, a directement ciblé le PDG de Lactalis. "Quand on est multimilliardaire, quand on est pas capable de donner un prix raisonnable à ses éleveurs, il faut changer de métier ou aller à l'étranger. Un gars comme ça n'est pas utile à la société française", juge le responsable départemental de la FDSEA de la Mayenne sur Franceinfo. "En Mayenne, nous sommes fier d'avoir le siège d'une entreprise comme Lactalis. Sauf que son patron a décidé de laisser tomber ses éleveurs", a-t-il ajouté.

Pointé du doigt, Lactalais s’est défendu et a invoqué une "surproduction française et européenne" pour justifier une "dégradation globale des prix".

Le géant de l’industrie agroalimentaire a aussi été au coeur d’un scandale lié à l’infection aux salmonelles de son lait infantile. Cette sombre affaire a même contraint Emmanuel Besnier à sortir de sa réserve habituelle. Dans une interview aux Échos, le PDG milliardaire estime le coût de cette crise à "plusieurs centaines de millions d’euros" pour l’entreprise.

Son nom n'apparaît sur quasiment aucun produit de ses marques à succès et pourtant le numéro un du lait dans le monde regorge de best-sellers que l’on trouve abondamment dans le frigo des Français. Citons le fromage Leerdammer, les yaourts Flamby, le beurre Bridel, les dés de fromage Salakis, le roquefort Société, la crème fraîche Bridelice, le Chaussée aux Moines et ses trois grandes marques internationales : Galbani, Parmalat et l’iconique Président.

Marque emblème de Lactalis depuis 1968, Président a transformé la trajectoire du groupe. "Michel Besnier, qui a succédé à son père en 1955, voulait créer une marque davantage portée sur le national, et monter en grade le camembert, avec un visuel haut de gamme inspiré des bouteilles de whisky de l’époque", explique Damien Soulice, responsable de la Cité du lait, le musée de Lactalis à Laval, chez Ouest-France. Pourquoi choisir le nom de Président ? Pour parler à tous les Français. "En France, tout le monde est président : de l’association de pêche, des boulistes, des anciens combattants…", justifie Michel Besnier.

Visionnaire, l’industriel est aussi le premier à mettre au point la fabrication du camembert au lait pasteurisé pour rendre accessible au plus grand nombre le goût du camembert. L’essor de la grande distribution dans les années 70 contribuera à faire connaître son produit auprès des consommateurs.

Grâce à son prix très accessible (moins de 2 euros), la star du rayon frais conserve une cote d’enfer auprès des Français 56 ans après sa création malgré une consommation de fromage en nette baisse depuis quinze ans et une crise du pouvoir d’achat qui s’étire dans le temps.

Huit ans après la crise du lait de 2016, le torchon a de nouveau brûlé récemment entre Lactalis et les agriculteurs. En février dernier, 200 manifestants en colère ont forcé l’entrée du géant de l’industrie laitière pour dénoncer ses pratiques et réclamer une meilleure rémunération. "Lactalis, c'est le numéro un mondial du lait qui n'est pas capable de payer correctement ses producteurs", a déclaré Laurence Marandola, porte-parole nationale de la Confédération paysanne, depuis le hall d’accueil du siège social de l’entreprise toujours situé à Laval.

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Le conflit entre le géant français et l’Unell, qui rassemble une partie de ses producteurs de lait, a largement nourri la colère des agriculteurs. Après des semaines de tension, le groupe a finalement accepté de revoir sa rémunération à la hausse passant de 425 euros pour 1 000 litres, contre 405 euros auparavant.