"L'Origine du monde" tagué : 3 choses à savoir sur un tableau à scandales

L'œuvre résolument provocatrice de Gustave Courbet déchaîne les passions depuis qu'elle a été peinte, au milieu du XIXe siècle.

L'Origine du monde vandalisé à Metz (Photo : Jean-Christophe Verhaegen / AFP)

Plus de 150 ans après sa réalisation, le chef d'œuvre est toujours aussi controversé. Ce lundi 6 mai, le célèbre tableau de Gustave Courbet "L'Origine du monde", représentant l'entrejambe dénudé et donc le sexe d'une femme, a été victime d'un acte de vandalisme alors qu'il se trouvait au Centre Pompidou de Metz pour une exposition consacrée au psychanaliste Jacques Lacan, qui fut l'un des propriétaires de l'œuvre.

D'après les informations de L'Est Républicain, "deux jeunes filles qui pourraient se revendiquer du mouvement #MeToo auraient tagué l’œuvre avant de se faire arrêter par la sécurité" dans l'après-midi de lundi. Il s'agit du dernier épisode en date d'une histoire particulièrement mouvementée depuis que le tableau a été achevé, en 1866.

  • À l'origine, un tableau érotique

Comme quantité d'autres jalons inestimables de l'Histoire de l'art, "L'Origine du monde" est une œuvre de commande. Et plus précisément une commande à visée érotique, ce qui ne surprendra personne compte tenu de son sujet. Le tableau a en fait été commandé vers 1865 par Khalil-Bey, un diplomate ottoman féru d'art et en poste à Paris à l'époque. Ce dernier avait demandé à Courbet deux tableaux de nus pour orner un cabinet privé où figurait également le célèbre "Bain turc" d'Ingres.

En 1866, le peintre lui livra donc "L'Origine du monde", ainsi que "Le Sommeil" représentant deux jeunes femmes alanguies (en entier cette fois). Vendu une première fois en 1877 par son commanditaire, le premier changera ensuite plusieurs fois de propriétaire, jusqu'à faire un long séjour en Hongrie pendant la première moitié du XXe siècle.

Après avoir échappé par hasard aux pillages nazis pendant la Deuxième Guerre mondiale, il revient en France par l'intermédiaire d'un baron collectionneur d'art. Les derniers particuliers propriétaires de "L'Origine du monde" seront ensuite Jacques Lacan et son épouse Sylvia Bataille. Après la mort de cette dernière en 1993, ses ayant droits acceptent en effet de céder le tableau au patrimoine national. En 1995, l'œuvre a ainsi rejoint la collection du Musée d'Orsay.

  • Utilisé comme arme politique contre Courbet

S'il l'a peint dans un but lucratif, Gustave Courbet n'a jamais cherché à nier la dimension provocatrice de ce qui est devenu avec le temps, après sa mort, son tableau le plus célèbre mondialement. Toute la carrière de l'artiste s'inscrit d'ailleurs dans un esprit de transgression et de remise en cause des institutions et des critères de l'art académique. Cet état d'esprit s'est aussi traduit par un engagement politique marqué à gauche.

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Depuis qu'il est passé dans le domaine public, le tableau a retrouvé tout l'aspect sulfureux qu'il détenait originellement. Protégé par une vitre dès son installation au Musée d'Orsay en 1995, il a fait pendant les premiers mois l'objet d'une surveillance rigoureuse, avec un gardien affecté en permanence à la zone d'exposition du tableau. Aucun acte de vandalisme n'avait cependant été à déplorer avant ce lundi.

  • Censuré sur Facebook

Régulièrement pastiché, détourné ou critiqué par d'autres artistes, "L'Origine du monde" reste aussi un exemple paroxystique, un cas d'école de cohabitation entre la crudité d'un sujet et l'absolue maîtrise, unanimement reconnue, de sa réalisation picturale.

En tant que tel, ce tableau a souvent été utilisé pour démontrer l'hypocrisie de certains réseaux sociaux qui réprouvent systématiquement la nudité, même lorsque celle-ci est associée à une expression artistique. En 2011, un artiste danois avait ainsi dénoncé "une censure déraisonnable" après avoir été exclu de Facebook pour avoir publié une photo du tableau de Courbet.

Sept ans après avoir connu les mêmes déboires, Frédéric Durand-Baïssas, un professeur des écoles français a vu la justice reconnaître une "faute" de Facebook, sans qu'aucune sanction tombe contre le géant américain du web. "C’est intéressant qu’une faute ait été reconnue, mais le problème, c’est que pour autant, on ne reconnaît pas que Frédéric Durand-Baïssas a subi un préjudice, regrettait à l'époque son avocat, cité par Le Monde. On ne parle pas de tous les textes qu’il avait écrits sur sa page Facebook et qu’il a perdus, ni du reste."